Véritable enjeu RH de l’année 2024, l’intelligence artificielle fascine les acteurs de la profession aussi bien qu’elle les inquiète.
Intégrer des programmes permettant de simuler l’intelligence humaine dans les processus RH est bien sur porteur de promesses, notamment en termes de productivité. Pourtant, ces perspectives enthousiasmantes ne doivent pas occulter la profonde transformation qu’impose l’IA à l’ensemble de la fonction Ressources Humaines.
- Quelles sont les missions RH concernées par l’IA en 2024 ?
- Quels sont les bénéfices que la fonction RH peut attendre de cette innovation ?
- À quels risques la fonction doit-elle se préparer pour accueillir l’IA sereinement ?
Eléments de réponse dans notre article !
Sommaire :
L’IA s’invite dans la plupart des processus RH
L’intelligence artificielle permet aujourd’hui d’automatiser un grand nombre de processus RH, et ce, tout au long du parcours des collaborateurs.
Le recrutement et la sélection de candidats
C’est probablement la première mission pour laquelle les RH se sont appuyés sur l’intelligence artificielle, parfois sans le savoir. L’usage de la programmatique RH en est un bon exemple. Ce procédé qui consiste à diffuser de manière ciblée des offres d’emploi et des messages marque employeur auprès de candidats potentiels sur des espaces publicitaires disponibles en ligne, est utilisé en France depuis 2015. Il repose sur des algorithmes de Deep Learning, un sous-ensemble de l’IA.
Mais ce n’est pas tout. Côté rédaction d’annonce d’emploi, là aussi, l’IA se place au service des recruteurs. A l’instar d’Indeed qui a récemment intégré une IA générative d’offres d’emploi dans sa plateforme. Après avoir obtenu les réponses aux questions clés concernant le poste à pourvoir, l’outil est ainsi capable de proposer une annonce sur-mesure.
Autre cas d’usage lié au recrutement : celui de l’évaluation des candidats. Qu’il s’agisse de déceler des soft skills ou des hard skills, l’IA permet de reproduire des mises en situation pré-embauche aussi bien que des tests techniques dont les résultats viendront appuyer la décision du recruteur.
L’onboarding
Une fois les talents recrutés, les algorithmes peuvent venir en soutien des RH en créant des programmes d’intégration sur-mesure. Certains outils proposent ainsi de s’appuyer sur une analyse des préférences, des antécédents professionnels et des compétences des nouvelles recrues pour leur suggérer les bonnes ressources au bon moment.
Quelle que soit la qualité du parcours d’onboarding, les nouveaux collaborateurs sont amenés à poser de nombreuses questions au service RH pendant cette période : contrat, mutuelle, convention collective, rémunération, notes de frais… Chaque tâche administrative amène potentiellement plusieurs interrogations. Là encore, l’IA est en mesure d’apporter une solution concrète notamment à travers l’usage de bots. Ces systèmes de réponse automatisée qui reposent sur des IA génératives permettent aux collaborateurs d’obtenir des réponses rapides à leurs questions.
La gestion des talents et la mobilité interne
L’un des atouts de l’IA est d’être capable d’analyser rapidement des données venant de plusieurs sources. Appliquées dans le champ des RH, ces fonctionnalités permettent de croiser les informations concernant la performance des collaborateurs pour réaliser des bilans de fin d’année. Un excellent point de départ pour identifier les potentiels et proposer à chaque collaborateur un parcours ciblé en fonction de ses compétences et aspirations professionnelles.
En confrontant ces résultats avec des informations externes, telles que les données liées au marché de l’emploi, les RH peuvent aussi accéder à des prévisions de recrutement et de formation qui viennent renforcer leur démarche de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC).
L’IA au service de la performance RH
Une meilleure efficacité des équipes RH
Nous l’avons vu, l’un des principaux avantages de l’IA est de pouvoir traiter des volumes importants de données beaucoup plus rapidement qu’un humain. Déchargés du travail de recherche, de synthèse et de vérification, les RH sont en mesure de prendre des décisions beaucoup plus rapidement. Dans les faits, 85% des employeurs qui utilisent l’IA déclarent avoir réalisé des économies de temps et renforcé leur efficacité1. En s’appuyant sur les outils adéquats, le service RH peut alors s’affranchir des tâches les plus chronophages. Au-delà de la productivité gagnée, à terme, les économies financières peuvent s’avérer importantes.
Une position stratégique renforcée au sein de l’entreprise
Forts d’une plus grande efficacité, les professionnels des Ressources Humaines ayant recours à l’IA peuvent se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée. Le temps gagné peut alors être consacré à l’alignement entre la feuille de route RH et la stratégie de l’entreprise. En fonction des priorités annoncées par la Direction Générale, la DRH pourra mettre l’accent sur la fidélisation des talents ou sur la marque employeur par exemple.
L’IA contribue aussi à renforcer la position stratégique des Ressources Humaines au sein de l’organisation en permettant les prises de décisions dites « data driven ». Les algorithmes se chargent de traiter les données brutes et de les travailler pour mieux comprendre les talents. Sur la base de ces résultats, les RH sont en mesure de faire des propositions pour améliorer la performance globale de l’entreprise ce qui renforce leur crédibilité en interne.
Autre atout, en s’éloignant des tâches chronophages, le service RH retrouve une marge de manœuvre pour se concentrer sur la gestion de l’humain. En interne, le rôle du service RH se trouve valorisé aux yeux des collaborateurs et de la Direction.
Des décisions plus objectives de la part des RH
En s’appuyant sur l’IA pour analyser des données concernant les candidats et les collaborateurs, les RH s’affranchissent de leurs propres biais cognitifs. Contrairement à un humain, les algorithmes n’ont pas d’a priori ou d’idées préconçues. Utilisés pour analyser des CV ou des lettres de motivation, ils peuvent par exemple apporter plus de diversité dans les recrutements. De même dans le cadre de l’évaluation des performances des collaborateurs en poste, les décisions prises sur la base des recommandations d’une IA peuvent apporter plus d’objectivité.
Une meilleure anticipation des départs et moins de turnover
Sur le plan opérationnel, l’IA peut aussi venir en soutien de la fonction RH en lui permettant d’améliorer la fidélisation des talents. La performance, l’engagement et la satisfaction des collaborateurs fournissent de nombreuses données sur leur trajectoire. Soumises à un algorithme, elles sont rapidement analysées et permettent d’identifier les prochains départs. Les indicateurs monitorés par les RH permettent alors de mettre en place des actions en faveur de la rétention des talents. A la clé : moins de turnover et des collaborateurs plus engagés.
Malgré ces perspectives réjouissantes liées à l’IA, n’oublions pas que toute innovation technologique doit donner lieu à une réflexion sur ses implications. Ainsi, sans nécessairement parler de dangers avérés pour les RH et les entreprises, il est au moins nécessaire de se questionner sur différents plans.
Les risque de l’IA appliquée aux RH
Fuites de données, le cloisonnement est la clé
En plus de se nourrir des informations disponibles sur le web, les IA générative telles que ChatGPT capitalisent sur les informations saisies par leurs utilisateurs. Ainsi, un gestionnaire RH peut, au même titre que n’importe quel autre salarié, diffuser des informations sensibles sur son entreprise en les fournissant à l’outil. Il n’a alors pas obligatoirement conscience de contribuer à une fuite de données, n’étant pas suffisamment informé sur les risques associés à son comportement. Pour garantir la confidentialité des données, les entreprises doivent se tourner vers des solutions d’IA cloisonnées, c’est-à-dire dédiées à leur activité, voire dans certains cas, vers le développement de solutions internes.
Biais de sélection, l’humain doit garder la main
Nous l’avons vu, l’IA permet de s’affranchir des biais cognitifs. Attention toutefois à ne pas prendre les propositions formulées par l’outil pour argent comptant. Les RH doivent impérativement garder un œil sur les résultats pour détecter d’éventuels biais qui pourraient se développer au fur et à mesure que l’algorithme analyse des données.
Ainsi, dans le cadre d’un recrutement, on pourrait imaginer qu’un algorithme détecte que les candidats issus d’une ville en particulier ne sont jamais recrutés. Il pourrait alors être tenté de les écarter de sa sélection dès le départ. Un raisonnement qui peut sembler logique pour une intelligence artificielle, mais qui est pourtant loin d’être conforme à la réglementation européenne en la matière.
Selon l’article 22 du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) « La personne concernée a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé […] produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire. »
Autrement dit, dans le cadre d’un recrutement ou de toute autre prise de décision concernant un candidat ou un collaborateur, un membre de l’équipe RH doit impérativement garder la main. Toute personne décelant qu’une décision l’affectant a été prise sans intervention humaine est en droit de s’y opposer.
Cette obligation a été confirmée par l’AI Act, adopté par le Parlement européen en juin 2023. Cette loi, qui vise à mieux réguler l’utilisation de l’intelligence artificielle, établit un spectre de risques allant de « minime » à « inacceptable » sur lequel sont répartis tous les cas d’usage. Le texte classe notamment toutes les IA appliquées au recrutement et à la gestion des salariés entre ces deux extrémités, dans la catégorie « à haut risque ». Cette classification est justifiée par le fait que ces systèmes « peuvent avoir un effet sur la carrière future et la vie des personnes concernées ». Elle n’interdit pas l’utilisation des outils reposant sur l’IA dans la fonction RH mais elle incite à mettre des garde-fous en place. Parmi les préconisations : davantage de transparence et une décision finale revenant à l’humain.
Risque d’erreur et confiance aveugle
Le développement rapide de l’IA et le battage médiatique que cela suscite peuvent conduire à un emballement dans son utilisation. Les collaborateurs, RH ou non, ont tendance à accorder une confiance excessive aux résultats proposés par les IA. D’après une étude BCG, lorsque les collaborateurs utilisent l’IA pour des problèmes complexes qui sortent de leur champ de compétences, leurs performances baissent d’environ 23%2 en comparaison avec celles obtenues sans le recours à la technologie.
La formation interne, une nécessité pour accompagner le développement des IA en entreprise
Plusieurs risques associés à l’IA pèsent sur les RH. Toutefois, en dézoomant un peu, on constate que les enjeux de sécurité et d’éthique concernent en réalité tous les métiers de l’entreprise. Pallier ces risques nécessite donc de faire de la formation et de la prévention auprès des collaborateurs. Une mission qui fait justement partie du giron des Ressources Humaines.
Former le service RH et tous collaborateurs pour développer leur sens critique
Si l’utilisation d’une IA n’éradique pas toujours le risque d’erreur, les RH ont alors un rôle à jouer dans la formation des équipes. Il est crucial de les sensibiliser au fait qu’un algorithme, et a fortiori une IA générative, peut commettre des erreurs et qu’ils doivent donc être en capacité de prendre du recul par rapport aux résultats qui leur sont soumis.
Accompagner la transformation des métiers de l’entreprise
L’IA redéfinit progressivement les rôles et les missions dans tous les services l’entreprise. Les RH ne sont pas les seuls concernés. Des métiers aussi divers que les développeurs web, commerciaux, manutentionnaires, professionnels du marketing, du juridique ou encore de la relation client sont d’ores et déjà impactés. Le rôle des RH est alors d’accompagner les collaborateurs en continu dans la transformation de leur profession. Pour cela, pourquoi ne pas créer des programmes de formation adaptés pour aider les salariés à intégrer ces innovations dans leur quotidien ?
Sensibiliser en interne sur les enjeux éthiques et de sécurité liés à l’IA
67%3 des dirigeants estiment qu’il est nécessaire d’être plus vigilants en ce qui concerne les implications éthiques de l’IA. En tant que garant des valeurs, de la culture d’entreprise et du niveau de compétence des collaborateurs, le service RH doit encourager à adopter des comportements responsables en fonction des avancées technologiques.
Il peut alors être intéressant d’organiser des sessions de formation permettant des mises en situations dans lesquelles l’application de l’IA pourrait engendrer des dilemmes éthiques ou des risques réglementaires.
En résumé, comprenons bien que l’intelligence artificielle revêt deux enjeux cruciaux pour les RH. Ils doivent à la fois :
Appréhender les transformations que l’IA implique dans le cadre de leurs propres fonctions et s’y adapter,
Anticiper celles qui s’imposent à l’ensemble des collaborateurs, quel que soit leur service, et les accompagner.
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