Le digital transforme les pratiques RH depuis de nombreuses années. Ce qui peut être perçu autant comme une opportunité qu’un danger. Ces derniers mois ont été marqués par l’accélération des usages digitaux. Yves Grandmontagne, président du LabRH, livre à Primobox son analyse sur les liens qu’entretient la fonction RH avec le digital.
Quel regard portez-vous sur l’arrivée du digital dans la fonction RH ?
Le digital peut être vu comme une extension de ce qu’on peut appeler l’informatique avec la structuration des SIRH et des systèmes informatiques dans les années 80 et 90. Et c’est aussi depuis 5 à 10 ans, un ensemble de technologies assises sur l’intelligence artificielle ou l’exploitation des données. Finalement, la fonction RH fait face à un foisonnement de solutions. Ces dernières peuvent être utilisées de deux façons :
- faire différemment ou mieux les tâches à réaliser en s’appuyant sur l’automatisation
- investir des territoires et des sujets RH sur lesquels il n’était pas possible d’aller avant.
Ce deuxième point est sans aucun doute la partie la plus constructive, la plus innovante. Elle renvoie à des innovations de pratique ou de sujet. En somme, je dirais que l’intrusion du digital a ses bons et ses mauvais côtés. Sans être ni béat ni inquiet, le digital facilite le quotidien des RH sans se substituer à l’action humaine, par exemple dans les domaines suivants :
- le recrutement avec l’analyse des candidatures,
- les synthèses des besoins de formation
- la disposition des informations en temps réel sur le climat social…
Tout cela permet d’enrichir la réflexion et la capacité d’action des équipes RH, en leur permettant de se libérer du temps pour se consacrer à d’autres activités ou à plus de valeur ajoutée. Après évidemment, il faut être très prudent dans tous les projets qui intègrent des outils, notamment de l’analyse de données. Il convient de rester conforme au RGPD et être très vigilant à ne pas confier les décisions à la machine.
Est-ce qu’il y a encore des domaines en ressources humaines où le digital est appelé à se développer ?
Dans les entreprises qui souhaitent intégrer du digital, parmi les grands sujets sur lesquels ce dernier est de plus en plus présent, il y a le recrutement, la formation, la gestion des compétences, la qualité de vie au travail. Depuis un an, les confinements successifs ont contraint les entreprises, y compris celles qui n’étaient pas assez digitales, à organiser le travail à distance et imaginer des solutions différentes. La période a été un accélérateur de nouvelles habitudes. Par exemple, le confinement nous a certainement fait gagner plusieurs années dans l’adoption et la prise en main des outils collaboratifs.
Au même titre que le commerce en ligne a explosé, ces nouvelles pratiques boostées par le confinement sont appelées à s’intégrer durablement. Un domaine reste peu exploré : les relations sociales. C’est un sujet difficile, soumis à des aléas. Et puis, le dialogue ne s’industrialise pas, et cela n’est pas plus mal comme ça. D’ailleurs, les start-up que le LabRH peut côtoyer abordent très peu le sujet des relations sociales.
Que peut-on espérer pour demain et les DRH ?
Je vais être concret et pragmatique : on peut espérer que cette période de pandémie que l’on vit actuellement soit le déclenchement dans la plupart des entreprises d’une vraie réflexion sur leurs pratiques RH. Or il semble que les entreprises aient peu pris le temps pendant la crise de reconsidérer leurs pratiques RH pour les adapter au « monde d’après ». L’évolution des modes de travail pose par exemple la question du rééquilibrage entre les pratiques RH en présentiel et en distanciel.
Je fais partie des personnes qui pensent que nous sommes dans un basculement, un changement systémique des organisations, des entreprises et des modes de travail. Les entreprises ont besoin d’anticiper maintenant les changements à venir, qui s’accélèrent et se mettent en place plus rapidement. Elles doivent préparer leur politique RH à ce nouveau contexte. Leur grande difficulté, identifiée au LabRH, est qu’elles ont connaissance des innovations, et notamment celles qui pourraient leur être utiles, mais les réponses ne sont pas les mêmes d’une entreprise à l’autre.